Paradox créations
Un peu d’histoire
A origine le mot Stabile a été créé par Jean Arp pour nommer les sculptures statiques de l’artiste américain Alexander Calder, par opposition aux « mobiles » de ce dernier. La morphologie de ce mot est similaire à celle de mobile, par ailleurs il évoque à la fois le latin stabilis et l’allemand stabil (« stable »).
La sculpture stabile
L’on peut aussi dire que c’est une œuvre tridimensionnelle composée d’une ou de plusieurs formes maintenues dans l’espace, et en équilibre sur une ou plusieurs tiges. En opposition à mobile, désigne une sculpture qui repose sur une surface de manière stable, dans l’oeuvre de Calder en particulier.
La sculpture mobile
Sculptures dont les éléments sont réalisés de telle sorte qu’ils prennent des dispositions variées sous l’influence de l’air ou d’un mécanisme quelconque.
Ces mobiles sont régis par des principes de physique très simples de mise en tension. Ils s’animent au toucher ou par les courants d’air. C’est en 1931 que Calder entreprend une série de sculptures composées d’éléments mobiles indépendants actionnés par un moteur ou manuellement. Marcel Duchamp les baptise mobiles, jeu de mots sur le double sens du terme en français : mobile et mouvement.
L’œuvre réalise une mise en tension permanente et c’est de cette mise en tension que résulte aussi la capacité de mouvement de l’objet, sa nervosité qui est proche des mouvements de certains objets naturels.
Ses couleurs inaugurent la palette emblématique de l’artiste : le rouge, le noir, le blanc, qui sont aussi les couleurs fondamentales des constructivistes russes.
Plusieurs de ces mobiles ont une dimension cosmique avec leur forme de mappemonde vide transpercée d’éclairs ou piquée d’astéroïdes. Ils semblent conçus comme des modèles réduits de l’univers dont les mouvements lents évoquent la gravité astrale. En 1933, le critique Anatole Jakosvky écrit : « […] l’atelier de Calder devient le rendez-vous des planètes. Dans des rythmes et des compositions magnifiques, il sut rendre avec exactitude, l’arrivée, les départs et les gravitations des planètes et de leurs satellites. »
A cette époque, les mobiles reposent sur un socle. Par la suite, ils seront suspendus, ce qui augmentera encore la capacité de mouvement de la sculpture en l’affranchissant de ses relations avec le sol. La suspension libre permettra à la sculpture de gagner ce que Calder appelle « le grand espace », le cosmos.
Art cinétique
On peut voir les premières manifestations d’art cinétique dès les années 1910 dans le mouvement futuriste et certaines œuvres de Marcel Duchamp. Plus tard, Alexander Calder invente le mobile, sculpture formée de fils et de pièces métalliques qui sont mises en mouvement par le déplacement de l’air ambiant. L’expression art cinétique est adoptée vers 1954 pour désigner les œuvres d’art mises en mouvement par le vent, les spectateurs et/ou un mécanisme motorisé.
L’art cinétique regroupe des œuvres contenant une partie en mouvement. Ces mouvements peuvent être créés à partir d’éléments naturels, d’un système de moteur ou encore par le spectateur lui-même. L’art cinétique dérive du constructivisme, créé en 1920 par Naum Gabo et Anton Pevsner et qui a pour ambition de faire du mouvement un médium à part entière.
L’Op’art, aussi appelé art optique, est un concurrent de l’art cinétique. Cet art plus abstrait venu des États-Unis utilise l’œil du spectateur pour créer des effets d’illusion et des jeux d’optique ; il n’y a aucun intervenant extérieur permettant de créer du mouvement dans les œuvres produites.
L’objectif de ces deux arts est de mettre en place une démarche plus expérimentale et novatrice grâce aux découvertes techniques et industrielles, mais aussi de remettre en question le statut d’une œuvre d’art. C’est un art de rupture puisqu’il ne présente aucune signification, ne sollicite pas l’esprit du spectateur mais seulement ses sens et sa perception.
Alexandre Calder, l’inventeur des sculptures mobiles
A la fin des années 20, Alexander Calder réalise de petits personnages figuratifs et naïfs qu’il met en scène de manière théâtrale au travers d’un véritable spectacle miniature : c’est la naissance du célèbre « Cirque de Calder ». Mais dès 1932, l’artiste américain explore l’abstraction sous l’influence, notamment, de sa rencontre avec l’artiste néerlandais Piet Mondrian.
C’est de cette époque que datent ses premiers mobiles construits à partir de fines tiges d’acier au bout desquelles sont suspendues de petites plaquettes aux formes géométriques. Ludiques et poétiques, ils titillent l’imaginaire. Prenant en compte les caprices de l’air comme matériel à part entière, les sculptures de Calder se jouent de la pesanteur, de l’ombre et de la lumière. Jean-Paul Sartre disait d’ailleurs à ce propos :
« Un Mobile : une petite fête locale, un objet défini par son mouvement et qui n’existe pas en dehors de lui, une fleur qui se fane dès qu’elle s’arrête, un pur jeu de mouvement comme il y a de purs jeux de lumière. »Une précision d’ordre mathématique
Au-delà de leur esthétique poétique, les mobiles de Calder sont animés par des jeux d’équilibre à la précision mathématique. Et pour cause ! Artiste dans l’âme dès sa plus tendre enfance, Alexander Calder possédait également un diplôme d’ingénieur en mécanique. C’est donc tout un système de calcul des forces en présence impliquant le poids et la taille des matériaux qui garantit la stabilité de ses suspensions.
Mobiles et stabiles
Alexander Calder déclinera tout au long de sa vie ses mobiles en diverses compositions de plus ou moins grande envergure et appliquera son principe d’équilibre et de balancier à ses stabiles (qui, à l’inverse des mobiles, sont ancrés dans le sol). Certaines de ses réalisations sont, du fait de leurs dimensions, de véritables défis lancés aux lois de la physique. Ainsi, le mobile réalisé par Calder pour les bureaux de l’UNESCO à Paris en 1958 mesure dix mètres de hauts et pèse près de dix tonnes.